lundi

De l'enthousiasme, de l'enthousiasme !

Chez les Grecs, l'enthousiasme signifiait avoir "Dieu en soi". Le transport divin qui habite et inspire ; qui pousse à créer et à innover. Carburant des existences, il contribue au renouvellement, au dynamisme, au progrès. 
L'étincelle, l'élan, l'envie, la volonté, la passion. 

Qu'en reste-t-il, chez nous, au XXIe siècle ?


Hier, j'intervenais dans une classe de Première Littéraire, accompagnée d'une amie. Face à une vingtaine de regards plus ou moins intrigués, on a raconté un projet. Faire vivre un groupe de débats, d'initiatives au sein du lycée dont le premier thème porterait sur le rôle de contre-pouvoir des médias. Rien d'infaisable, en somme. On explique que le monde de demain est à construire, que l'avenir leur appartient. Ringard, cliché me direz-vous. Pourtant, c'est intemporelle. Si les jeunes ne sont plus motivés, quel espoir peut subsister ? On poursuit notre speech : l'importance du débat et de la délibération, la nécessité de repenser les médias de demain, la valorisation de tous types d'actions. Bref, on veut de l'optimisme, du courage, de la persévérance. Il y a toujours quelque chose à faire. Rien n'est jamais perdu d'avance. On demande s'il y a des questions, des remarques, s'ils portent l'envie du renouveau, d'un autre XXIe siècle. Il ne faut pas qu'ils aient peur de prendre la parole, personne n'est là pour leur faire la morale. 

Et puis, le silence d'une classe. Des grands yeux. Pas de réactions. Les jeunes sont-ils aussi désintéressés qu'on le dit ? Avions-nous été les bisounours idéalistes de service, seulement bons à leur faire perdre 20 minutes de cours ? L'urgence dans la voix, on interroge les élèves de manière plus précise : comment s'informent-ils ? Se sentent-ils bien informés ? Ont-ils déjà mené des projets personnels ? Ont-ils le sentiment de pouvoir apporter leur pierre à l'édifice dans ces sociétés au système, qu'on qualifie, d'impitoyable et d'intouchable ? 


Des mains qui se lèvent, des visages qui s'allument. Enfin. J'ai failli m'inquiéter. J'ai failli croire aux discours poussiéreux : « Les lycéens s'en foutent de tout. Y'a que Facebook et Twitter ; le narcissisme 2.0. Ils sont pessimistes. Ils sont passifs. » 

L'échange débute véritablement, les différents points de vue se font entendre. Certains trouvent que la bonne information est difficilement accessible, qu'on ne sait jamais où chercher, que les contenus sont superflus. D'autres considèrent, qu'au contraire, avec de la patience et du temps, on peut avoir accès à mille connaissances et que chacun doit faire des efforts. Les médias proposent, les cityens disposent. Le sujet dérive quelque peu : l'impact d'Internet. Les flux et la rapidité omniprésents. Le flou que les réseaux sociaux créent toujours un peu plus. Le manque d'analyse, de recul. L'importance donnée aux news superficielles, aux "gossips" au détriment des infos de fond. Je sens qu'ils ont envie de dire, d'exprimer. Même si les idées sont parfois imprécises, l'étincelle est là. 

On change à nouveau. On parle du discours ultra-pessimiste qui nous est servi à toutes les sauces. La crise, le chômage, les polémiques, l'impasse environnementale, l'individualisme, le niveau scolaire en baisse... tout se télescope. Où sont passées les bonnes nouvelles ? On a beau tourner les pages, changer de stations ou de chaînes, c'est la même chose partout. Qui préfère parier sur un bon documentaire que sur les Anges d'NRJ 12 ? Qui croient encore que les jeunes n'ont pas abandonné la littérature ? Qui parle des initiatives citoyennes ? Qui fait droit aux actions solidaires ? La Première L semble réveillée, consciente de questions fondamentales. Elle hésite entre se laisser abattre ou, à l'inverse, se battre encore plus fort. J'ai face à moi des jeunes gens qui grandissent, qui s'affirment progressivement mais surtout qui sont à des miles away du portrait qu'on brosse de la jeunesse. Je pressens déjà la critique :  " Oui, mais t'as eu de la chance, ils sont pas tous comme ça ! C'est qu'une minorité ! " Et alors ? On dit toujours qu'il y a un début à tout. Demain sera peut-être meilleur grâce à ces quelques élèves, alliés à d'autres quelques élèves et à d'autres, et à d'autres...à travers tout le pays. 

N'oublions pas les mots de Balzac : "L'homme meurt une première fois à l'âge où il perd l'enthousiasme. "



Après la fin de l'intervention, on recroise une lycéenne dans les couloirs. Elle veut poursuivre la conversation, l'échange lui a vraiment plu. Elle enchaîne rapidement les phrases. Elle a envie de faire des choses, elle veut partir, voir le monde, travailler dans le journalisme, la diplomatie. Ou peut-être pas. Apprendre des langues, débattre au café du coin. Les idées surgissent frénétiquement. 
J'en suis désormais convaincue, la flamme de l'enthousiasme ne s'est pas éteinte. 

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