dimanche

La Chute, Camus



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Résumé

"Sur le pont, je passai derrière une forme penchée sur le parapet, et qui semblait regarder le fleuve.De plus près, je distinguai une mince jeune femme, habillée de noir. Entre les cheveux sombres et le col du manteau, on voyait seulement une nuque, fraîche et mouillée, à laquelle je fus sensible. Mais je poursuivis ma route, après une hésitation. J'avais déjà parcouru une cinquantaine de mètres à peu près, lorsque j'entendis le bruit, qui malgré la distance, me parut formidable dans le silence nocturne, d'un corps qui d'abat sur l'eau.Je m'arrêtai net, mais sans me retourner. Presque aussitôt, j'entendis un cri, plusieurs fois répété, qui descendait lui aussi le fleuve, puis s'éteignit brusquement."




Avis 

Il n'existe de plus belle errance que celle décrite par Camus.
Amsterdam, brumeux, flou et lointain. Un paradis étrange pour notre protagoniste Jean-Baptiste Clamence. Le temps d'une centaine de pages, il se confie, soliloque à un "vous" énigmatique. Une étrange énonciation s'établit : Clamence parle à quelqu'un, nous ne sommes qu'un observateur curieux, pareil à une caméra ; Clamence nous parle, la donne change, le ton est plus grave. Avocat de profession, reconverti en juge-pénitent mais surtout symbole de la bourgeoisie et du confort parisien, le personnage de Camus confesse dans une urgence singulière l'égoïsme, le narcissisme, le désir de puissance, l'hypocrisie, le cynisme, la fausse-modestie, le divertissement. Le lecteur, confronté à la rédemption bourgeoise, pressent le miroir qui lui est tendu. Les mots de Clamence s'abandonnent et résonnent, ne pouvant nous laisser indifférent. Partout, l'avocat semble avouer l'inavouable, ce sur quoi on refusait de s'attarder, par peur de découvrir une vérité accablante.  
La Chute est l'oeuvre de toutes les sincérités. Contée par la plume fine, juste et poétique de Camus, la déambulation au cœur d'Amsterdam se teinte d'une étonnant magie : chute de Clamence, chute d'un corps dans les eaux sombres de la Seine, chute du lecteur, tout s'entrecroise avec brio. Et puis, il y a ce paysage hypnotique qui ne cesse d'accentuer les temps forts du monologue, la ville prend vie en même temps que le récit de Clamence.
Un roman qui se fait l'écho de ces voyages dont on revient toujours changé, où fascination, hésitation, contemplation et réflexion se rejoignent en une même expérience.

Quelques citations-emblèmes :

" Nous ne sommes qu'à peu près en toute chose. "
" Mon image souriait dans la glace, mais il me sembla que mon sourire était double..."
" Du reste, nous ne pouvons affirmer l'innocence de personne, tandis que nous pouvons affirmer à coup sûr la culpabilité de tous. Chaque homme témoigne du crime de tous les autre, voilà ma foi et mon espérance. "


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