Robert Desnos, apparitions et théâtre

Il y a quelques temps, j'assistais à une belle lecture poétique. Elle revisitait les poèmes de Desnos, poète français du XXe. Elle m'a plongée dans une aventure mystérieuse. Guidée par les mots du poète, restitués par le comédien-metteur-en-scène, Gabriel Dufay et par la comédienne Pauline Masson, l'univers du poète s'ouvrait à moi.

La réalité pour Robert Desnos est double. "Je vis toujours autre chose", c'est ce qu'il disait."Quand je ferme les yeux un monde merveilleux s'ouvre pour moi, il ne disparaît pas quand je les ouvre." 

Il y a quelque chose de fascinant chez le poète : la facilité du rapport à la duplicité. Il n'est plus question de rêve et réalité mais d'une réalité intermédiaire. 

De plus, selon lui, les illusions sont nécessaires à la vie. La puissance de l'imagination est libératrice. Fantasmer, c'est être libre. 

Et puis, il y a cette histoire des 3 solitaires. Je vous raconte. 

"De minuit à deux heures du matin s'étendu un territoire hors du temps et de l'espace... à minuit et demi sonne le premier solitaire, à une heure, le deuxième, à une heure et demi le troisième." Qui sont-ils ? Trois sentinelles, postés aux frontières du rêve et du réveil. Il n'y a pas d'heures plus obscures, plus profondes pour rêver la réalité. C'est aussi "le domaine des fantômes. De minuit à deux heures, vous pourrez converser avec eux. Et si vous voulez même avec votre propre spectre." 

Ce moment nocturne, c'est l'heure exquise de l'insomnie et de l'espoir.

Plus les lignes défilent, plus vous pensez Desnos fou. Toutefois laissez-moi finir. Il affirmait : les fantômes existent. Ils sont présents partout où vous saurez les voir. Le poète donnait l'exemple du cinéma : "le fantôme sort de la salle aux bras du spectateur dans une ville transformée par l'imagination." J'ajoute celui de la musique. Ces notes lointaines qui ne quittent pas votre esprit. Elles-aussi ce sont des fantômes. Y croyez-vous à présent ?

Une fois la lecture achevée, sur le chemin du retour, j'ai eu la curieuse impression de regarder les rues, les passants différemment. Peut-être cherchais-je moi-aussi à saisir cette double réalité. 

J'espère vous avoir donné envie de faire de même ou, tout du moins, vous avoir donné envie d'ouvrir l'oeuvre du poète. 

Pour les plus fainéants ou pour les plus curieux (tout dépend du point de vue), je vous invite à vous rendre au Théâtre Chaillot à Paris avant le 17 octobre. Il s'y joue la pièce de théâtre "Journal d'un apparition" mise en scène par Gabriel Dufay, qui était très justement venu présenter son spectacle à travers cette lecture poétique. Si vous avez l'âme à vous laisser surprendre, n'hésitez plus. L'idée de retranscrire la poésie au théâtre m'apparaît être une merveilleuse idée. Les frontières n'ont jamais été aussi minces entre les arts. 

(c) Vladimir Vatsev

Pour finir ce billet, j'avais envie de citer une dernière fois Desnos. Je vous laisse libre de toutes interprétations.

 « Vous mettrez sur ma tombe une bouée de sauvetage parce qu'on ne sait jamais. »