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lundi
Pouvoir tout dire
Qu'est-ce qu'on peut dire ? Qu'est-ce qu'on peut écrire ? Qu'est-ce qu'on doit écrire ? Quel est le rôle du poète, de l'écrivain ? Qu'attend le lecteur ? Quelles sonorités nous font vibrer ? Quel sujet choisir ?
Écrire et faire vivre, un art qui ne cesse de transmettre. Les conceptions s'affrontent : tantôt poésie-miroir, tantôt poésie-tableau. Les poètes ont parlé. Peut-être s'accordent-ils seulement à avouer que la poésie nous rend dignes de vivre
Aujourd'hui, Paul Eluard nous dit, l'urgence dans la plume :
Le tout est de tout dire et je manque de mots
Et je manque de temps et je manque d'audace
Je rêve et je dévide au hasard mes images
J'ai mal vécu et mal appris à parler clair
Tout dire les rochers la route et les pavés
Les rues et leurs passants les champs et les bergers
Le duvet du printemps la rouille de l'hiver
Le froid et la chaleur composant un seul fruit
Je veux montrer la foule et chaque homme en détail
Avec ce qui l'anime et qui le désespère
Et sous ses saisons d'homme tout ce qu'il éclaire
Son histoire et son sang son histoire et sa peine
Je veux montrer la foule immense divisée
La foule cloisonnée comme en un cimetière
Et la foule plus forte que son ombre impure
Ayant rompu ses murs ayant vaincu ses maîtres
La famille des mains la famille des feuilles
Et l'animal errant sans personnalité
Le fleuve et la rosée fécondants et fertiles
La justice debout le bonheur bien planté
Le bonheur d'un enfant saurai-je le déduire
De sa poupée ou de sa balle ou du beau temps
Et le bonheur d'un homme aurai-je la vaillance
De le dire selon sa femme et ses enfants
Saurai-je mettre au clair l'amour et ses raisons
Sa tragédie de plomb sa comédie de paille
Les actes machinaux qui le font quotidien
Et les caresses qui le rendent éternel
Et pourrai-je jamais enchaîner la récolte
A l'engrais comme on fait du bien à la beauté
Pourrai-je comparer le besoin au désir
Et l'ordre mécanique à l'ordre du plaisir
Aurai-je assez de mots pour liquider la haine
Par la haine sous l'aile énorme des colères
Et montrer la victime écrasant les bourreaux
Saurai-je colorer le mot révolution
L'or libre de l'aurore en des yeux sûrs d'eux-mêmes
Rien n'est semblable tout est neuf tout est précieux
J'entends de petits mots devenir des adages
L'intelligence est simple au-delà des souffrances
Comment saurai-je dire à quel point je suis contre
Les absurdes manies que noue la solitude
J'ai failli en mourir sans pouvoir me défendre
Comme en meurt un héros ligoté bâillonné
J'ai failli en être dissous corps cœur esprit
Sans formes et aussi avec toutes les formes
Dont on entoure pourriture et déchéance
Et complaisance et guerre indifférence et crime
Il s'en fallut de peu que mes frères me chassent
Je m'affirmais sans rien comprendre à leur combat
Je croyais prendre au présent plus qu'il ne possède
Mais je n'avais aucune idée du lendemain
Contre la fin de tout je dois ce que je suis
Aux hommes qui ont su ce que la vie contient
A tous les insurgés vérifiant leurs outils
Et vérifiant leur cœur et se serrant la main
Hommes continuement entre humains sans un pli
Un chant monte qui dit ce que toujours on dit
Ceux qui dressaient notre avenir contre la mort
Contre les souterrains de nains et des déments.
Pourrai-je dire enfin la porte s'est ouverte
De la cave où les fûts mettaient leur masse sombre
Sur la vigne ou le vin captive le soleil
En employant les mots de vigneron lui-même
Les femmes sont taillées comme l'eau ou la pierre
Tendres ou trop entières dures ou légères
Les oiseaux passent au travers d'autres espaces
Un chien familier traîne en quête d'un vieil os
Minuit n'a plus d'écho que pour un très vieil homme
Qui gâche son trésor en des chansons banales
Même cette heure de la nuit n'est pas perdue
Je ne m'endormirai que si d'autres s'éveillent
Pourrai-je dire rien ne vaut que la jeunesse
En montrant le sillon de l'âge sur la joue
Rien ne vaut que la suite infinie des reflets
A partir de l'élan des graines et des fleurs
A partir d'un mot franc et des choses réelles
La confiance ira sans idée de retour
Je veux que l'on réponde avant que l'on questionne
Et nul ne parlera une langue étrangère
Et nul n'aura envie de piétiner un toit
d'incendier des villes d'entasser des morts
Car j'aurai tous les mots qui servent à construire
Et qui font croire au temps comme à la seule source
Il faudra rire mais on rira de santé
On rira d'être fraternel à tout moment
On sera bon avec les autres comme on l'est
Avec soi-même quand on s'aime d'être aimé
Les frissons délicats feront place à la houle
De la joie d'exister plus fraîche que la mer
Plus rien ne nous fera douter de ce poème
Que j'écris aujourd'hui pour effacer hier .
_____
poème de 1950
Recueil "dignes de vivre pouvoir tout dire" (1967)
mardi
Robert Desnos, apparitions et théâtre
Il y a quelques temps, j'assistais à une belle lecture poétique. Elle revisitait les poèmes de Desnos, poète français du XXe. Elle m'a plongée dans une aventure mystérieuse. Guidée par les mots du poète, restitués par le comédien-metteur-en-scène, Gabriel Dufay et par la comédienne Pauline Masson, l'univers du poète s'ouvrait à moi.
La réalité pour Robert Desnos est double. "Je vis toujours autre chose", c'est ce qu'il disait."Quand je ferme les yeux un monde merveilleux s'ouvre pour moi, il ne disparaît pas quand je les ouvre."
Il y a quelque chose de fascinant chez le poète : la facilité du rapport à la duplicité. Il n'est plus question de rêve et réalité mais d'une réalité intermédiaire.
De plus, selon lui, les illusions sont nécessaires à la vie. La puissance de l'imagination est libératrice. Fantasmer, c'est être libre.
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mercredi
" Revoir Paris " : entre fantasme et réalité
L'ailleurs. Ce grand mot qui fait rêver, qu'on imagine, qu'on fantasme. Il est nécessairement mieux que chez nous. Il cache des secrets. Il est à découvrir. Il est excitant et inquiétant. Il est proche et lointain. Il est étrange et fascinant.
Ce que je vous propose ce soir c'est de réfléchir sur le thème du voyage, de l'imagination et de l'anticipation, à travers une conférence-fiction intitulée "Revoir Paris".
Février 2156. Kârinh est née dans l'Arche, une colonie spatiale créée par un groupe d'anciens Terriens qui a coupé tout lien avec sa planète d'origine. La jeune femme a toujours rêvé de cette Terre qu'elle n'a jamais vue, et tout particulièrement de Paris, ville découverte dans des livres miraculeusement préservés. Elle a donc sans hésiter accepté de diriger seule le Tube, un vaisseau qui va approcher la Terre.
Pendant son voyage, elle s'immerge mentalement dans le Paris qu'elle fantasme, cherchant à s'approcher au plus près de ce qu'elle espère découvrir sur la planète bleue. Cependant, une fois à destination, la Ville Lumière du XXIIe siècle ne s'avère pas être conforme à ses visions...
samedi
Les garçons manqués, Mathieu Saikaly et Nicolas Rey : quand musique et littérature ne font qu'un
Curieux à la recherche d'un contenu original, j'ai quelque chose pour vous.
Amateurs de créations radiophoniques, j'ai quelque chose pour vous.
Passionné(e)s des mots et des notes, j'ai quelque chose pour vous.
Les garçons manqués
Il y avait lui et sa vieille boite où il empilait ses bouquins préférés.
Et puis, cet autre et sa vielle guitare où il gardait ses disques préférés.
et je vous invite à nous suivre d'un geste bleu
Je vous souhaite à tous et à toutes un sublime concert littéraire...
Amateurs de créations radiophoniques, j'ai quelque chose pour vous.
Passionné(e)s des mots et des notes, j'ai quelque chose pour vous.
Les garçons manqués
Mathieu Saikaly & Nicolas Rey
Il y avait lui et sa vieille boite où il empilait ses bouquins préférés.
Et puis, cet autre et sa vielle guitare où il gardait ses disques préférés.
« On a parlé dans un bistrot en tête-à-tête. Je l’ai trouvé très beau. Il m’a trouvé très vieux. Mais nous avons décidé de fusionner nos deux histoires d’amours. D’en faire un beau mélange. Et ça m’a donné envie de sourire à nouveau. Voilà comment les choses ont commencé. Et je vous invite à nous suivre d’un geste bleu. Et j’aime déjà cette fille dans le public. Et vivre était sublime. »
http://www.franceinter.fr/emission-les-garcons-manques
http://www.franceinter.fr/emission-les-garcons-manques
fusionner nos deux histoires d'amours
C'est sur une piste son que s'écrit cette histoire, sur Inter qu'elle s'écoute. S'entrecroisent subtilement extraits de littérature classique et contemporaine, standards du rock, de variété française ou chansons plus actuelles. Comme fil conducteur : raconter une histoire aussi singulière qu'éphémère avec des mots et des sons. Même émancipés de leur contexte d'origine, ces derniers continuent de nous parler. Dix minutes d'émission plus tard, nous avons succomber au charme de cet étonnant duo.et vivre était sublime
On dit sublime quand "quelque chose va en s'élevant", quand elle nous tire plus haut. L'étrange poésie, l'étrange alchimie des deux hommes interpelle. Elle nous invite à penser les liens mystérieux qui relient littérature et musique, Nicolas et Matthieu. L'émission offre aux auditeurs une même mélodie, où l'alternance passages lus/passages chantés semble naturelle et évidente. Plusieurs écoutes m'ont finalement amenée à penser que cette évidence est due à la complémentarité des deux personnages. Notre conteur (Nicolas Rey) est l'art brut, le langage cru, l'urgence, la maladresse, l'envie, la force ; notre chanteur (Mathieu Saikaly) est l'art affiné, le langage poli, la patience, la finesse, la fougue, la pudeur. Ensemble, ils atteignent le parfait équilibre, l'harmonie idéale.
et je vous invite à nous suivre d'un geste bleu
Pourquoi bleu ? Il nous évoque la paix, la confiance, la vertu, la sagesse. Peut-être est-ce dans cet état d'esprit que nous devons aborder cette belle création radio. Le soir, une fois vingt-trois heures passées, laissons-nous guider par les voix des deux artisans, des deux artistes du langage.
par ici : http://www.franceinter.fr/emission-les-garcons-manques
et par ici pour un premier voyage :
Je vous souhaite à tous et à toutes un sublime concert littéraire...
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